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Les Carnets d'Emilie
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Le dressage d'une oie blanche.
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Les Carnets d'Emilie

Quadra H

Quadra B

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5 mars 2016

300 000

Penchée, le nez dans le mug fumant, je ne l’ai pas vu approcher. Il fait beau et la douceur de l’air de cette fin d’automne particulièrement chaud invite à la boisson fraiche et pourtant j’ai commandé un thé brulant. J’ai fui les mondanités du vernissage avec l’assentiment de Marc et je me suis réfugiée sur la terrasse du café le plus proche.
— Vous... Vous êtes Isabelle n’est ce pas ? Isabelle Madigan ?
Je n’ai pas trop envie de sortir de mes songes. Je lève la tête et la regarde l’air hébété, sans comprendre.
—  Je m’excuse ! Je vous ai suivie… je n’ai pas osé vous aborder avec tout ce monde ! J’ai juste échangé quelques mots avec M. Marc. Enfin je… Je ne vous dérange pas ?
Elle à un tressautement d’excitation et un large sourire comme si elle contemplait un cadeau de fête et exprime un ravissement enfantin…  Je n’ai pas envie de parler mais je n’ai pas non plus la force de la congédier et je me contente de la fixer, les yeux dans le vague. Sans y être conviée, elle approche une chaise de la petite table de marbre sur lequel m’attend mon Darjeeling. Et tout en s’asseyant avec précipitation me lance.
— Vous savez je vous lis… Sur votre blog !
Je souris complaisamment.
—  Je suis une soumise moi aussi…
Instinctivement mon attention se porte vers sa main gauche. Elle a saisit mon regard et elle tend vers mon visage une main joliment potelée qui porte une de ces bagues bon marché. Une bague avec pour chaton une boule grise percée d’un anneau plus large que la bague elle-même. Elle semble très fière de son bijou et de la condition qu’elle implique.
— C’est mon mari qui s’occupe de mon dressage !
Je ferme les yeux un bref instant pour éviter quelle voit mes yeux se lever au ciel et me force à sourire.
Je m’entends répondre d’une voix faussement enjouée.
— Ha oui ?... C’est bien !
Et je me plonge dans ma tasse de thé tandis que mon pouce gauche vient caresser mon anneau de fer niellé d’or. Un anneau porté à l’auriculaire comme doit le porter une Maitresse de second rang. Soumise et Maîtresse à la fois…
Elle commence à se raconter et mon esprit s’échappe…

Combien de temps ?
Ces années ont passé à la vitesse d’un pur-sang au galop et chacune de ses foulées marque de son empreinte de fer le chemin que j’ai suivi avec Marc. Cela pas toujours été de tout repos de vous conter ce chemin, et aujourd’hui je m’aperçois que, sans compter les témoignages que je reçois presque chaque jour, un nombre effrayant de visiteurs sont venues s’enquérir de mon insouciante balade. Je souris intérieurement en en faisant l’improbable inventaire. Il y a ceux de passage ou les égarés rejetés par hasard sur les rivages de mon iles par les courants aléatoires des moteurs de recherche. Parmi eux les fureteurs, les chercheurs de lignes qui alimentent le feu de leurs fantasmes. L’amoureux et l’amoureuse transit qui m’envoie des messages électroniques crépitant de déclarations flamboyantes et qui veulent me sauver de ma condition. Ma condition !
Ceux qui me jurent sympathie et amitié en me tendant une laisse.
Ceux qui me traquent partout pour une image, un sourire, alors qu’ils m’ont sous les yeux.
Ceux qui veulent écrire à ma place mon histoire ou qui me disent ce que je dois écrire.
Ceux avec qui j’échange tendrement régulièrement.
Ceux qui me juge moi ou mon Maître et sont outragés par notre relation… Mais pourquoi me lisent-ils, au fait ?
Ceux qui me rencontrent, comme la femme que j’ai en face de moi et qui a l’insouciante audace de superposer son imagination à ma réalité
—  Il dit que je suis sa Kajira …
Je relève vivement la tête, effarée. J’ai perdu le fil de sa conversation mais le mot Kajira me tire de ma torpeur. Elle prend cela comme un intérêt intense et continue toute enjouée.
— Oui, oui sa Kajira, Je suis entièrement à ses ordres…
De nouveau sa voix se perd dans l’écho de mes souvenirs. Mais sait-elle seulement ce que signifie être une Kajira ?
L’image de Laure se projette sur le voile des larmes qui me montent brusquement aux yeux. La belle italienne, la fougueuse silencieuse celle qui d’un regard vous faisait comprendre que vous étiez le centre du monde. La Kajira qui se prosternait sans même que vous ayez à lui demander. Celle qui m’a fait découvrir ce qu’était la soumission absolue, sans maître, libre…
C’est au guidon de son monstre mécanique qu’elle a rencontré son destin. Et il ne pouvait en être autrement. Je m’imagine encore sa silhouette gainée de cuir rouge projetée dans les airs sur une petite route du Val d’Aoste en descente du Gran Paradiso… Le Grand Paradis !
Je repousse la vision de son corps à la souplesse féline, magnifique, disloqué trente mètre plus bas.
Il est dit que les anges, même maudits, ne vieillissent pas !
Je retiens avec peine un sanglot. Je m’étrangle dans un hurlement silencieux qui me brule la gorge et le cœur. Je veux la faire taire…. Je me répète comme un mantra : Mais sait-elle seulement de quoi elle parle ! A-t-elle la moindre idée de ce qu’être une Kajira veut dire ?  Je suis sur le point de me lever et mettre fin à son monologue lorsque mon regard accroche une silhouette qui gambade sur la place et se rapproche d’une allure enjouée avec un sourire désarmant. Un rayon de soleil me transperce de part en part, Elle vient à mon secours ! Ma flamboyante Sappho aux cheveux d’or fin, à la marche assurée comme si la terre quelle foule lui appartenait de plein droit. A demi-levée je me rassoie avec un soupir de soulagement. Elle se glisse entre les tables et les clients d’un déhanché provocant qui se font retourner la plupart des hommes attablés. Elle se saisit autoritairement d’une chaise libre de la table d’à côté sans demander à ses occupants interloqués et s’assoit face à moi en fixant ma voisine qui s’est brusquement interrompue, abasourdie par cette brutale intrusion.
Le visage de Mon amazone blonde prend la rigidité du marbre et la fixe intensément lui lançant sur un ton qui ne souffre pas de réponse.
— Je veux parler à Isabelle…Seule !
Elle tente pourtant.
— Mais… Je… Mais...
Les yeux de l’intruse ne cillent pas et devant son attitude déterminée…
— Oui… Bien sûr ! Excusez-moi !
Mon interlocutrice se lève et s’éloigne sans se retourner.
La blonde fougueuse se tourne vers moi et son visage s’éclaire. Elle fronce les sourcils en une interrogation muette.
— Je… Elle m’a rappelé… Enfin je… je pensais à ... Laure…
Son nom s’étrangle dans ma gorge. Mes mains se portent à la rencontre de mes yeux embués.
Elle hoche la tête d’un air entendu.
— J’ai bien senti qu’elle te gavait.
Ma douce hétaïre s’empare des deux poignets qui cachent mon visage et sur lequel roulent maintenant de grosses larmes. Par-dessus la table, elle se penche à mon oreille et murmure.
— Quand je te vois comme çà, Maitresse, j’ai envie de te bouffer la chatte à te faire hurler de plaisir !
J’ai un sursaut de surprise ! J’ouvre des yeux tout ronds.
Elle me rend mon interrogation en écarquillant elle aussi les yeux dans une mimique comique qui lui fait pencher la tête sur le côté, en l’attente de ma réaction à sa proposition outrancière. Un spasme incoercible monte le long de mon ventre me libérant de la tristesse qui m’étouffait et nous partons toutes deux d’un fou rire irrépressible qui se font se retourner sur nous les clients attablés de la terrasse.

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Commentaires
D
Un regal de lecture, C'est vraiment bien écrit ! Je suis fan ! Pour le reste, j'ai perdue une amie très tres chère avec laquelle j'ai beaucoup pratiqué. Je ne peux que compatir à ta douleur. As tu lu dolorosa sorror? J'en doute au vu des directives de ton Maître. Il est fort dommage de passer à côté de ce récit, que je n'ai jamais pu le relire depuis son deces mais qui reste dans mon souvenir une merveille d'emotions et de pureté...
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C
Merci Isabelle d'avoir pris le temps de répondre à chacun de nous, tu es adorable.<br /> <br /> Tu as raison pour les différents niveaux de soumission et je ne juge pas chacun faisant ce qu'il aime te désire tant que les deux partenaires soient d'accords.<br /> <br /> Effectivement il ne faut pas se leurrer quand une relation est au bord de la rupture, rien ne viendra "la" sauver..enfin c'est mon expérience qui me fait écrire cela.<br /> <br /> A bientôt..
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S
Je découvre votre blog depuis plusieurs jours (seulement me direz-vous !) et je ne peux que vous féliciter pour vos écrits. Je passe sur les fautes d’orthographe, mais qui s’en souci de nos jours ? Cela en est même plutôt attendrissant.<br /> <br /> Non, ce qui m‘a interpellé c’est la richesse et le naturel de vos écrits. Vous savez si bien décrire les sentiments et en particulier celle d’une soumise. Vos mots vous sont personnels, je crois même que vous en inventez ou les détournez à votre convenance et cela tombe toujours à propos, c’est un signe de grande maturité littéraire. Cela est si rare dans les récits érotiques où les images convenues et les copier-coller sont monnaie courante au point d’en être lassant.<br /> <br /> Cela est peut-être également dû au fait que votre vécu et donc votre histoire est en dehors des conventions du SM « à la papa ». Il est bon que votre maître vous interdise de lire les autres écrits érotiques, vous gardez ainsi intacte la fraicheur et la spontanéité de votre narration même dans les moments les plus scabreux.<br /> <br /> Votre dorénavant fidèle lecteur.<br /> <br /> Serge
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A
Comme j'ai aimé te suivre et te rejoindre Isabelle.<br /> <br /> Comme j'ai souffert avec toi au départ de Laure<br /> <br /> Comme je t'aime<br /> <br /> Aurore<br /> <br /> Ton Aurore
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M
Je valide ce que dit Laurent !<br /> <br /> Tu va pas te faire des amis auprès des couples SM "légitimes" !<br /> <br /> Qu'est ce que tu as contre ?<br /> <br /> Tes lignes sont toujours aussi émouvantes, voilà pourquoi je te suis en silence !
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