Chap 18. Le salon pourpre.
Il faut que je fasse vite si je veux remplir les exigences de Mon Maître sans que les jeunes serveuses ne me découvrent. Je m’éloigne de la table en repoussant ma chaise en arrière et écarte les jambes. La courte jupe remonte sur mes cuisses comme douée d’une vie propre, anticipant l’ouverture du passage. Dans le même temps je lance ma main vers le cigare tendu vers moi.
Je vais pour m’en emparer quand Marc le recule vivement. Ma main reste en suspension. Surprise, je reste bouche bée.
Ai-je mal compris ses intentions ? Ai-je mal interprété ses allusions ? La confusion me gagne. En ce cas, je viens de lui révéler mon état et mes pensées et jusqu’où je le crois capable d’aller… Et moi de le suivre !
Il fronce les sourcils.
- Allons petite dévergondée ! Vous croyez vraiment que je vais vous demander de vous humilier ici… Devant le petit personnel de nos hôtes ?
Il désigne du menton les soubrettes qui s’affairent dans la salle.
Ma main retombe.
Oui bien sûr que je l’en crois capable !
Marc s’empare du verre de cognac de la main gauche tout en se levant promptement.
- Il y a un endroit pour cela ici… Terminez votre verre, et suivez-moi !
Sans réfléchir, je prends le verre de liqueur et tout en me levant le porte à mes lèvres. Un torrent de feu me descend dans la gorge. Mes tempes s’enflamment et dans un sursaut de tout mon corps une toux incoercible cherche à expulser le liquide incandescent. Mais trop tard le feu a déjà gagné mon estomac et de grosses larmes embrument mes yeux. Je tente de reprendre ma respiration en reposant vivement le verre et en toussant plusieurs fois. Lorsque je reprends mes esprits Marc est déjà sur le point de disparaître par la porte principale. Je le rejoins en trottinant la bouche grande ouverte et en battant l’air de mes mains sans prêter attention aux petits rires des serveuses qui accompagnent ma sortie.
L’intermède du repas est bien fini. Marc a repris le vouvoiement il me notifie ainsi tacitement que je dois reprendre ma place. Je me mets derrière lui à un mètre et le suis dévotement, les mains jointes, la tête baissée, le regard fixé à ses talons.
Mon Maître se dirige sans une hésitation, il semble bien connaître les lieux. Nous traversons plusieurs salles et gagnons un couloir qui nous éloigne des convives. Un dernier corridor désert nous mène à une sorte de vestibule. Marc s’arrête, fait demi-tour, me contourne et ferme la porte par laquelle nous venons d’entrer.
La salle est petite sans fenêtre ni ameublement. Elle est éclairée par un immense lustre de cristal qui obstrue la quasi-totalité du plafond et semble pouvoir nous tomber dessus à tout moment augmentant la sensation d’oppression que dégage cette pièce. En face de moi une lourde porte de bois sombre cintrée de pierres taillées. Les deux murs libres sont bardés dans leur totalité de petits placards de bois précieux numéroté de bronze. Toutes les portes sont entrouvertes sauf trois de ces placards qui sont fermé et leurs loquets tirés. J’ai vite la confirmation qu’il s’agit d’un vestiaire.
- Veuillez vous déshabiller, Mademoiselle ! … Entièrement ! … Gardez votre collier !
La voix de Marc est impérative. Il s’attend à être obéit sans poser de question. Je déboutonne mon chemisier tandis qu’il ouvre en grand un des placards.
- Voyez-vous Mademoiselle, là où nous allons, jamais aucune femme de votre condition n’est entrée habillée.
Ma jupe glisse le long de mes hanches dévoilant mon ventre nu. Marc tend la main pour s’en emparer et il la range au côté du chemisier. Mes escarpins noirs et mes socquettes blanches rejoignent le placard.
Comme il est rapide de me déshabiller et de me présenter nue à Marc ! Je ne porte rien d’autre depuis notre départ du haras !
- Ton poignet !
Je tends la main vers lui. Marc s’en empare délicatement et glisse à mon poignet un lacet de cuir rouge. Ce bracelet je l’ai déjà vu et déjà porté et j’en connais la signification (Cf.: Une Saison d’Airain; Retour à la Colombière).
Une fois mon poignet libéré, maldré mon trouble, je prends la posture de soumission qui doit renforcer aux yeux de Mon Maître ma parfaite acceptation.
Je glisse mes mains dans le dos, cambre les reins en écartant les jambes et je baisse la tête sur ma poitrine projetée ainsi vers l’avant.
Marc m’observe un moment tourne autour de moi. Satisfait il pose une main sur le bas de mon dos et me pousse vers la lourde porte de chêne noir.
La pièce dans laquelle nous pénétrons est stupéfiante. Une ancienne tour, certainement ! Aucun mur droit et aucune fenêtre mais une verrière couvre la totalité du plafond laissant passer la faible clarté du soir. Des flambeaux placés à intervalles réguliers prennent le relais du soleil déclinant. Tout autour de nous dans la pénombre, je distingue des alcôves creusées dans les murs. Certaines ont des rideaux tirés.
La salle est meublée succinctement des tentures rouges aux murs de pierres brutes, des meubles qui semblent être des bars en bois noir. Une demi-douzaine de larges banquettes de bois sombre sculpté et aux coussins de velour rouge sont disposées en cercle autour d’une rosace centrale en marqueterie de pierre. De chaque cotés des banquettes, de lourds candélabres de bronze piqué de gros cierges allumés dispensent une douce clarté.
Marc s’avance et me désigne une des banquettes. Je m’y dirige à petit pas. Sous mes pieds nus le sol de pierre dégage une douce chaleur trahissant la technologie destinée à améliorer le confort des lieux.
Je gagne la banquette. C’est une sorte de large tabouret. Pas de dossier, elle est trop petite pour si allonger, mais suffisamment grande pour si asseoir confortablement à deux. A moins que….
Je glisse un genou sur le coussin de velours, puis l’autre sans ôter les mains de mon dos. J’écarte les jambes et cambre les reins. J’y suis parfaitement calée, les genoux au bord du banc et les pieds pendant sans gêne dans le vide de l’autre bord. J’y suis si confortablement installée qu’il me semble que je pourrai garder ma position de dévotion pendant des heures.
Voilà à quoi sont destinées ces stalles ! Sublimer la posture de soumission de celle qui s’y dispose.
Je ne peux m’empêcher de détailler les cinq autres bancs vide et m’imaginer les étranges assemblées qui ont pu s’y dérouler.