Fébrilement j’ouvre le paquet soigneusement clos de papier kraft. Une jolie écriture à la plume mentionne mon nom et mon adresse. C’est ma mère qui me l’a tendu, l’extirpant de la pile de courrier que nous recevons journellement. Ma sœur est là, elle a un sourire mi-figue mi-raisin de complicité.
- Un admirateur qui t’envoie un cadeau ?
Je la pilerais dans ces moments là ! Je sais qu’elle sait de qui il s’agit et elle ne peut pas s’empêcher de me taquiner.
Je rougis jusqu'à la pointe des oreilles et fait gentiment le geste de la gifler.
- Mais non…C’est un truc que j’ai acheté sur E-bay.
Il fallait bien que je donne le change à ma mère et c’est la seule excuse que j’ai trouvée à ce moment là. J’ai détourné la conversation comme j’ai pu pour leur faire oublier le paquet, discutant des chevaux, du haras et des pansages qu’il va falloir faire aujourd’hui.
Nonchalamment, j’ai gagné ma chambre et fermé la porte derrière moi en tirant le verrou. Je me suis assise en tailleur sur mon lit et commencé à ouvrir le paquet.
Je soulève délicatement le couvercle. Un objet est enveloppé dans une peau chamoisée couleur caramel. Sur l’objet un bristol, une carte de visite de Marc, et sur cette carte de visite un seul petit mot écrit à la plume, sans autre commentaire : " Un an ! " Un petit pincement au cœur, j’aurais aimé une lettre plus longue, mais ce simple mot résume à lui seul toutes les images qui m’assaillent. Un an… Un an de soumission... à Marc ! Je dépose religieusement la carte sur le couvre lit et démaillote l’objet de sa fine couverture de peau. Je souris, c’est un collier, magnifique, une fleur de métal maintenue à une courroie de cuir par deux clous d’acier. Une fleur crucifiée ! Et bien sûr un anneau, un anneau d’or qui perce les lèvres délicates que forme les pétales de cette étrange orchidée. Il va remplacer mon fidèle lacet de cuir celui qui tinte à chaque mouvement de la tête. Le grelot de novice va être enfin remplacé par la symbolique forte d’un anneau de soumission
Il est vrai que je ne suis plus réellement une novice. Je me suis découverte durant cette année. Et j’ai tellement découvert ! La passion, la honte la plus absolue, la jouissance qu’apporte cette honte, la jouissance physique aussi. Mon premier orgasme obtenu de façon si peut conventionnel. Et cette trouble attirance pour les femmes pour ces corps qui me ressemblent. Marc l’avait vu, il me l'a révélé peu à peu. Il m’a forcé à regarder au fond de moi.
En laissant le collier dans sa boite, je descends du lit et me déshabille rapidement. La réception d’un tel objet ne se fait pas sans un minimum de cérémonie. Une fois nue, je me saisis de la boite que je dépose sur le sol. Dans un rayon de lumière du soleil matinal je m’agenouille et écarte les cuisses, largement. Je me cambre, glisse mes mains dans le dos, j’entrouvre les lèvres, ferme les yeux et baisse la tête en signe de soumission. Cette pose combien de fois l’ai-je prise ? Je garde en mémoire la première fois ou je me suis retrouvé nue, offerte, dans cette posture, sous ses yeux inquisiteurs Des yeux qui vous percent plus profondément qu’une lance. Je soupire profondément. C’est bizarre comme cette pose agit comme un soutra sur moi. Elle me détend intérieurement, j’ai l’impression que rien ne peut m’arriver quant je la prends. Je deviens alors une puissante statue de bronze indestructible que rien ne peut souiller. Dans les situations les pires que Marc m’a fait subir cette position a été mon refuge, lorsque je pouvais la prendre, à genoux ou debout, elle a été et reste le lieu de ma ressource. Et en un an Marc m’a fait éprouver des choses que l’adolescente que j’étais (j’en sortais à peine alors !) ne peut que difficilement imaginer. Et... J’ai absolument adoré çà ! Etrange comme les sentiments et les actes les plus contradictoires vont bien ensemble ! amour-haine, douleur-plaisir soumission-domination, Marc-Isa…Contradictoire comme l’est notre couple. Enfin notre couple ! Je parle comme quelqu’un qui veut se caser dans une vie de femme fidèle au foyer, son petit homme, sa petite maison, sa petite vie…La routine, une banalité à laquelle je ne pourrais certainement plus jamais me résoudre et qui me saisi d’effroi lorsque j’y pense. Oh ! Inutile de me faire des illusions, cela ne pourra durer. Un jour il me rendra ma liberté, Il me l’a dit... Jour maudit entre tous ! Je n’arrive même pas à savoir quelle place j’occupe dans la foule qui l’entoure. Marc est d’une discrétion de chanoine en ce qui concerne ses relations, ses modèles. Au début de notre histoire, lors de nos conversations je tentais malicieusement d’en savoir plus, mais rien n’y faisait. Soit, il me retournait mes questions, soit, il gardait un silence énigmatique et détournait habilement la conversation. Et puis j’ai compris ! Cet été j’ai été introduite dans un cercle qui nécessite une discrétion absolue si on veut en faire parti. Une discrétion qui va au delà de ces lignes mais que je vais essayer de vous faire comprendre. Ce cercle de silence, je l’avais déjà perçu au travers de mon premier contact avec Kristale. Bien sur, il ne peut pas cacher ses œuvres et j’ai surpris de nombreuses fois des photos de ses " Sujets " qui n’étaient pas moi, punaisées à sa table de travaille. Il ne me fait connaître que les personnes nécessaires à mon "dressage "et ils sont déjà nombreux. J’apprends peu à peu à faire une croix sur ma jalousie, mais c’est si difficile.
J’entrouvre les yeux et contemple le collier. Je ramène mes mains devant moi, me penche et me saisi de l’objet que te tourne entre mes mains. La fleur de métal émet un éclair de lumière froide, l’anneau vient à la rencontre de mon index comme le ferait une bague de fiançailles. La lanière de cuir ne présente qu’un seul trou. Je souris, Marc connaît parfaitement mes mensurations et donc mon tour de cou. Cet unique trou de réglage signifie que nulle autre que moi ne peut porter ce collier. Il est à moi comme je suis à Lui. D’un geste solennel je le porte à mon cou et le lace sur ma nuque. Un frisson parcours mon corps. Le simple contact du cuir, ce cuir qui a été façonné de Ses mains, provoque une onde de plaisir sur ma peau. Je reprends la pose et me remets à penser à nous, de toutes mes forces. Des images défilent sur l’écran lumineux de mes paupières, Marc, l’atelier, L’hôtel à Lyon, Marc, les coups sur ma croupe, cette nuit de tendresse, Marc, la folle chevauchée, Kristale, ma honte, mon plaisir, mon orgasme, ma bouche violée, mes reins forcés, ma joie, Marc, Ses mains sur ma nuque, Stéphanie, la soirée chez Kristale, Jacques l’élégant et Laure, la cave chez Kristale, encore Stéphanie… pauvre Stéphanie, les fous rire avec Marc lors des séances de poses, mes pleurs, la maison dans la foret, ce pavillon de chasse ou j’ai certainement vécu le pire de mon dressage, terrible maison, J’ai un haut le cœur à cette évocation, et pourtant… Le rire et les yeux froids de Kristale. Le regard bienveillant de mon Maître… Tout se télescope dans mon esprit. De mon ventre monte une chaleur sourde bien connue. Du bas de mon dos prend naissance une onde électrique qui grimpe le long de ma colonne vertébrale pour venir mourir sur ma nuque… sur mon collier. Je suis bien !
Juste avant le crépuscule j’ai mis mon collier pour sortir, faire une ballade. Ma sœur a tenu à m’accompagner. Nos deux montures vont au pas côte à côte, lorsqu’elle se tourne vers moi. Elle tend le bras vers mon cou. Se saisit de l’anneau doré qu’elle caresse entre le pouce et l’index. Son visage devient grave. Et d’une voix un peu enrouée elle me lance.
- Jusqu’où iras tu ?
Elle a toujours pris mon aventure avec Marc comme une passade, une expérience d’adolescente qui découvre sa sexualité. Mais au bout d’un an ma passion est toujours aussi forte. En fait, je la crois encore plus forte qu’au premier jour. Je ne peux plus rayer ce que j’ai vécu d’un simple geste. Et je ne le veux pas !
Je me pince les lèvres et la regarde droit dans les yeux.
- Jusqu’au bout !
Tout en ne sachant pas moi-même où est ce bout. Et pour couper court à cette conversation embarrassante je talonne violemment ma monture qui pique des deux sur le chemin de terre laissant ma sœur sur place. Le bruit des fers de sa monture me suit de prêt, elle me remonte peu à peu et juste avant l’orée de la forêt. Me lance en hurlant pour couvrir le bruit du vent à mes oreilles.
- Je t’admire... Je t’aime.
Que ma sœur aînée me fasse cette déclaration me chavire et me gonfle le cœur d’allégresse. Je me tourne vers elle, elle est à une foulée de moi, et je me lance dans un rire à gorge déployée. Et c’est deux folles hilares qui traversent au galop les pommeraies du Jonquet déjà en fleurs de l'été qui s'annonce.